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Racisme, émeutes et justice en période de COVID-19


I CAN'T BREATHE

L’image percutante et horrifiante des neuf longues minutes de souffrance de George Floyd est gravée pour toujours dans notre mémoire collective. Nous ne pourrons plus jamais l’oublier, et nous ne devrions pas essayer non plus. Nous devons voir cet acte pour ce qu’il est – la progression naturelle de plus de 400 années d’asservissement en Amérique du Nord où les chaînes aux pieds des esclaves sont devenues au fil du temps les menottes aux poignets de non seulement George Floyd, mais de millions de personnes incarcérées aux États-Unis et au Canada. La police qui a assassiné George Floyd ne fait qu’appliquer un système raciste que nous contribuons toutes et tous à maintenir. Si vous avez été stupéfié par cette vidéo tragique, c’est que vous viviez dans un rêve.


Martin Luther King Jr disait (traduction libre) : « l’émeute, c’est le langage des non entendus. » Le caractère explosif des manifestations et des émeutes et pillages qui s’ensuivent ne fait que refléter notre insensibilité aux séquelles de siècles de marginalisation et d’exclusion des communautés noires. La colère et la frustration devant ce système raciste enchâssé ont poussé des personnes parmi les plus vulnérables et désavantagées de notre société à risquer leur vie pour être entendues. Ces personnes méritent que nous reconnaissions leur colère et leur peur, et qu’on les comprenne lorsqu’elles se révoltent. Un proverbe nigérien dit (traduction libre) : « l’enfant qui n’est pas embrassé par le village le brûlera pour sentir la chaleur. »


Bien que la violence et les émeutes soient déplorables, peu importe le moment ou le lieu, est-ce que le reste du monde tendrait aussi attentivement l’oreille aujourd’hui si la colère n’avait pas explosé aux États-Unis? « Lors de protestations, aujourd’hui comme toujours, on demande aux manifestantes et manifestants de respecter les principes de la non-violence. « Or, cet appel », comme le souligne Ta-Nehisi Coates (traduction libre) « vient des personnes qui ne mettent pas en pratique et ne respectent pas les principes de la non-violence dans leur propre vie. »


Mais si on faisait volte-face? Qu’est-ce que cela signifierait de bâtir un État autour des principes de la non-violence, plutôt que de réserver cette norme stricte aux personnes qui sont armées par l’État? » (Ezra Klein, traduction libre). Peut-être, comme le déclare l’activiste ontarien Desmond Cole (traduction libre) : « La solution pour la police serait d’arrêter de se concentrer uniquement sur le maintien de l’ordre et de commencer à soutenir les gens et à faire preuve de compassion. »


Malheureusement, « nous avons créé une culture où les policières et les policiers se prennent pour des guerrières et des guerriers, et non des gardiennes et gardiens de la paix. » (Bryan Stevenson, fondateur de l’initiative Equal Justice et un des héros du COPA, traduction libre). Et il ne faut pas croire que ce problème ne touche que les États-Unis – l’automne dernier, la police de Montréal a publié le rapport de trois chercheurs indépendants qui révèle que les personnes autochtones et noires étaient quatre à cinq fois plus susceptibles que les personnes blanches de se faire arrêter par la police. En 2018, la Commission ontarienne des droits de la personne a déclaré : « les personnes noires à Toronto étaient près de 20 fois plus susceptibles que les personnes blanches d’être abattues lors d’une fusillade par des agents du service de police de Toronto (STP). » Même si « les personnes blanches ont prétendument menacé ou attaqué la police plus souvent que les personnes noires. » Selon une analyse de CBC, les personnes noires représentaient environ 8,3 % de la population de Toronto de 2000 à 2017, mais 36,5 % des victimes (décès) lors d’interventions policières. Cela n’a rien de nouveau pour les communautés noires, toutefois, force est de CONSTATER que de nombreuses personnes dans les couloirs du pouvoir hésitent toujours à parler de racisme systémique.


En ce qui concerne le racisme contre les peuples autochtones du Canada, l’activiste autochtone Myra Tait déclare (traduction libre) : « si on est d’avis que les peuples autochtones sont moins que… on se sent justifié de les remettre à leur place. La surveillance policière devient alors un des outils utilisés pour nous réduire au silence. »

WON'T BE SILENT

Le coût de cet abus de pouvoir, de la déshumanisation et du système raciste enracinés est très élevé. Lorsqu’il parle de l’incident de profilage racial récent qu’il a vécu aux mains de la police de Laval, au Québec, Will Prosper dit (traduction libre) : « Nous nous sentons exclus, et nous éprouvons de la frustration envers un système qui ne fait rien pour nous. Personne ne se soucie de nous – c’est le sentiment que nous avons. » Encore une fois, comme l’a dit Martin Luther King Jr : « l’émeute, c’est le langage des non entendus. »

Au-delà de la frustration et du sentiment d’exclusion, il y a la peur réelle d’être la prochaine cible, et que peu importe ce que tu fais ou ne fais pas, la couleur de ta peau, ton identité en tant que personne noire ou autochtone, te met à risque de mourir violemment aux mains d’un système social abusif et insensible. Cela change ta façon de vivre.


Et puis, il y a l’épuisement qui suit les inquiétudes, la peur, la colère et les efforts à déployer constamment pour essayer d’expliquer tout cela aux gens qui ne comprennent pas ou qui ne veulent pas comprendre. C’est un thème commun pour les personnes qui sont enlisées dans le racisme systémique : l’épuisement d’avoir à vivre au sein d’un système qui les considère comme des êtres inférieurs.


Le rôle de la pandémie


La pandémie n’a fait qu’amplifier la pression, la prévalence du racisme et la notion de « l’autre ». Sans compter qu’elle touche disproportionnellement les personnes déjà vulnérables et marginalisées. Elle expose aussi comment le système raciste et les préjugés enracinés se manifestent et font souffrir les gens.


Aux États-Unis, les personnes noires meurent de la COVID-19 à un rythme beaucoup plus rapide que les personnes blanches à cause des nombreux facteurs liés à la pauvreté et aux désavantages qui abondent dans un système raciste. En raison de l’énorme disparité économique, les personnes noires ont moins accès aux services de soins de santé et aux congés de maladie. « Plus d’une famille noire sur cinq signale souvent ou parfois ne pas avoir suffisamment de nourriture – plus de trois fois le taux des familles blanches. Les familles noires sont aussi près de quatre fois plus susceptibles de déclarer avoir manqué un paiement hypothécaire pendant la crise – ces chiffres n’augurent pas bien pour le taux d’accès à la propriété déjà très faible parmi cette population. » (Traduction libre, Washington Post).


Aux États-Unis comme au Canada, les personnes noires sont plus susceptibles de travailler dans des industries qui sont parmi les premières à faire l’objet d’une quarantaine. En effet, dans les deux pays, elles sont plus nombreuses à faire partie de la main d’œuvre en soins de santé et services de première ligne et donc pratiquement incapables de faire du télétravail, augmentant leur risque de contracter le virus.

le personnel de santé durante la pandémie

Le Canada a commencé à recueillir des données sur la race et les décès attribués à la COVID-19 juste à la fin du mois d’avril, ce qui signifie que nous ne connaissons pas l’impact du virus sur les familles noires de notre pays. Cette ignorance ne nous aide pas à comprendre et à éliminer les iniquités inhérentes au racisme systémique.

« Que devons-nous penser de la disparition du visage noir de tous les rapports sur la COVID-19? Le visage noir semble avoir été effacé du contexte canadien dans les publicités répétitives qui nous disent ‘de rester à la maison’. On ne voit pas nos visages dans les nouvelles, on ne nous demande pas comment nos familles gèrent la crise, même si on sait que bon nombre de personnes noires travaillent dans les soins de santé de première ligne ou dans diverses autres fonctions essentielles, comme caissières ou nettoyeuses, et sont donc beaucoup plus exposées au virus. En plus de la réalité de l’itinérance, les personnes de race noire sont constamment menacées d’expulsion et de manque de soutien du revenu de toutes sortes. Pourtant, le déploiement accru de surveillance policière renforcée par une ligne de dénonciation, des amendes sévères et d’autres méthodes d’application de la loi d’un bout à l’autre du pays cible particulièrement les communautés noires. Nous sommes invisibles dans le discours de protection et de sécurité, mais hypervisibles dans les pratiques et discours punitifs qui peuvent mener au décès d’une personne noire. » (Beverly Bain, traduction libre)


Le fait de blâmer les autres pour la pandémie de la COVID-19 a donné lieu à de nombreuses attaques racistes sur la population d’origine asiatique des États-Unis et du Canada (650 en une seule semaine aux États-Unis). La rhétorique des paliers supérieurs du gouvernement américain compte parmi les facteurs qui alimentent cette culture du blâme. Depuis longtemps, on mêle la transmission de maladies à la discrimination raciale envers les personnes les plus vulnérables parce que la maladie se transmet plus rapidement dans les communautés appauvries où les ressources sont rares et le surpeuplement endémique.


Une recherche troublante menée par Amy Krosch, Scientific American, révèle la réticence des personnes blanches à partager les ressources avec les personnes noires. Elle a constaté que « confrontés à une pénurie, les décideurs blancs risquent de ne pas considérer les visages noirs comme étant entièrement humains, justifiant ainsi implicitement la décision de leur en donner moins. » Le racisme part du principe que certaines personnes sont plus humaines que d’autres et méritent plus de ressources, de pouvoir et de privilèges.


La pandémie a exacerbé l’iniquité raciale et cela a profondément aggravé la colère et la frustration des personnes marginalisées par le racisme. « Une loupe sur l’inégalité », comme le décrit Andreas Kluth (traduction libre). Et il y a eu l’assassinat de George Floyd dont le monde entier a été témoin, et ce qui était insupportable est devenu ce que les personnes noires et bien d’autres parmi nous ne veulent plus tolérer. Brian Resnick, de Vox, a déclaré (traduction libre) : « Ces deux histoires sont liées. Il s’agit de deux histoires de santé publique. Le lien entre les deux, c’est le racisme systémique. »


La réplique de Maimuna Majumder, épidémiologue à Harvard travaillant sur la COVID-19, à Vox est la suivante (traduction libre) : « Les forces qui mettent de nombreuses communautés minoritaires à risque pendant une pandémie les mettent aussi à risque de brutalité policière. L’accumulation d’années d’incertitude économique, la marginalisation et le racisme structurel ont mené aux deux. »


La docteure Onyenyechukwu Nnorom, médecin de santé publique et professeure adjointe à la Dalla Lana School of Public Health, de l’Université de Toronto, a déclaré (traduction libre) : « Il est essentiel lorsqu’on examine les données recueillies sur les cas de coronavirus dans les quartiers de Toronto que l’on comprenne pourquoi ces inégalités existent en premier lieu – soit, en raison du racisme systémique. »

Une protestation

Espoir et changement


Nous AVONS BESOIN que vous voyiez la couleur. Si vous refusez de la voir ou ne voulez pas la voir, comment pouvez-vous être une alliée ou un allié? Comment pouvez-vous comprendre que l’on considère que notre peau constitue une menace? Comment pouvez-vous retirer votre genou de notre cou? Comment pourrez-vous un jour nous empêcher de mourir? Obioma Ugoala (traduction libre)


Y a-t-il de l’espoir? Aux funérailles de George Floyd, le révérend Al Sharpton, un activiste des droits de la personne de longue date, a avoué être plus optimiste que jamais. Il a ajouté qu’il se passe quelque chose et a fait remarquer le fait que dans certaines manifestations, il y avait plus de jeunes personnes blanches que de personnes noires. M. Sharpton n’est pas le seul de cet avis – le mot espoir est utilisé souvent ces jours-ci dans les médias, même par les activistes, les écrivains et les penseurs qui éprouvent une certaine lassitude, comme le président Obama et Ta-Nehisi Coates. Et, en fait, aux États-Unis, 74 % des gens sondés sont d’accord pour dire que la mort de George Floyd est une injustice manifestement basée sur le racisme. C’est un énorme changement de cap.


Ce mouvement a retenu l’attention du monde entier. Grâce à un téléphone intelligent et les médias sociaux, partout au monde on a été témoin de la mort horrible de George Floyd. Et, pour la première fois, un grand nombre de ces témoins ont compris la profondeur de l’injustice perpétrée contre les personnes noires. Et les témoins sont devenus des alliés et ils réclament que justice soit rendue – non seulement pour George Floyd, mais pour toutes les communautés noires.


La question se pose : Qu’est-ce que cela signifie d’être une alliée ou un allié? En quoi consiste le travail d’une alliée ou d’un allié?


Manifester n’est pas suffisant. Comment allons-nous éduquer nos enfants? Comment allons-nous agir au travail? Que serons-nous prêts à faire pour insister que justice soit rendue? Nous, qui voulons être des alliés, nous devons nous rendre compte que quand nous retournons à nos activités quotidiennes après les émeutes, nous ne vivons pas la même réalité que les personnes noires aux États-Unis et au Canada qui sont épuisées de lutter tous les jours, depuis toujours, au sein d’une société qui les voit comme étant dangereuses, inférieures à un être humain et inégales aux yeux des personnes qui ont le pouvoir et l’argent.


Comme beaucoup le disent, cela commence par l’éducation pour comprendre comment et pourquoi les inégalités raciales sont maintenues. Maintenant que nous sommes nombreux à regarder la réalité en face, faisons l’effort de lire et d’écouter l’histoire du racisme – celle des États-Unis et celle du Canada. Elles sont étroitement liées entre elles et entre nous toutes et tous.


Bryan Stevenson a déclaré ce qui suit (traduction libre) : « Nous devons faire face à notre histoire d’injustice raciale. Je pense que ce que nous voyons est un symptôme d’une maladie plus grave. Nous n’avons jamais honnêtement parlé des dommages qui ont été causés pendant les deux siècles et demi d’esclavage. Le grand préjudice causé par l’esclavage américain n’est pas la servitude involontaire; c’est l’illusion que les personnes noires ne sont pas aussi bonnes que les personnes blanches, ne sont pas les égales des personnes blanches, sont moins évoluées, moins humaines, moins capables, moins valables, et méritent moins que les personnes blanches. Donc, pour moi, vous ne pouvez pas comprendre les enjeux actuels sans comprendre le refus persistant de considérer les personnes noires comme étant les égales de toutes et de tous. »


Parlons-nous entre nous et laissons place aux histoires qu’il nous faut entendre, comme celle d’Ernest, un homme noir d’âge moyen qui a sa propre entreprise, mais qui, en 2020, ne peut pas travailler à la tombée de la nuit ni prendre des appels d’urgence en soirée au-delà de Myrtle Beach, en Caroline du Sud, parce que ce n’est pas sécuritaire pour lui. Ou de Samuel, un jeune homme noir de Montréal, que l’on a extirpé d’une voiture dans laquelle il était passager en le tirant par ses « dreadlocks » (mèches de cheveux) pour aucune autre raison que de le brutaliser et de l’insulter. Il souffre d’angoisse aujourd’hui et dit (traduction libre) : « La nuit, quand je suis seul, je revis cet incident. Je ne peux pas dormir, j’ai besoin d’aide.»


Au COPA, nous croyons que pour créer une société et des milieux scolaires et communautaires plus équitables et inclusifs, nous devons entamer une réflexion profonde. Il s’agit d’un processus à vie qui peut mener à un changement fondamental de nos points de vue et attitudes. Nous avons toutes et tous un rôle à jouer pour créer une culture équitable et inclusive dans laquelle chaque personne a la capacité d’être l’alliée des gens marginalisés et exclus.


Il est important d’accepter le fait qu’il n’existe aucune solution magique. Le changement qui mène à l’équité et à l’inclusion est le fruit d’un processus continu d’apprentissage, de questionnement, d’échange, d’écoute, d’explications et d’efforts. Cela exige de la patience et de la détermination. Il est important de savoir que le travail ne sera jamais terminé et que l’on fera des erreurs. Pour aller de l’avant ensemble, il est absolument essentiel d’avoir de la compassion pour nous et pour les autres.à

Le COPA : Le COPA est d’avis que toutes les structures, les institutions et les relations dans notre société sont basées sur l’iniquité et l’exclusion sociale qui mènent à la marginalisation des enfants, des femmes et d’autres groupes sociaux. L’iniquité et l’exclusion sont enracinées dans un ensemble de croyances et de pratiques systémiques, omniprésentes et discriminatoires qui contribuent à les perpétuer.


L’iniquité et l’exclusion augmentent la vulnérabilité des gens aux agressions, déclenchant et perpétuant un cycle de violence contre les enfants, les femmes et tous les groupes sociaux marginalisés.


Voilà pourquoi toutes les ressources et toutes les activités créées, mises au point, adaptées et diffusées par le COPA visent à briser le cycle de la violence contre les enfants, les femmes et les groupes sociaux marginalisés. L’objectif est de promouvoir le changement positif par l’entremise d’un processus de réflexion, d’apprentissage, d’acquisition de compétences et de renforcement des connaissances en changeant les attitudes et les croyances et en changeant les structures sociales qui contribuent à perpétuer le cycle de la violence.


Pour en savoir plus sur le COPA, visitez les sites Web suivants :

Nous nous excusons du fait que les sources dans le présent article ne sont disponibles qu’en anglais seulement.

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